DANS UN CONTEXTE TROUBLÉ, LA DECLARATION DES DROITS HUMAINS FÊTE SES 70 ANS
Le texte de 1948 reste, selon le mot du juriste français René Cassin, qui participa à son élaboration, "le premier manifeste que l'humanité organisée ait jamais adopté". - © NARA
La Déclaration universelle des droits humains, texte fondateur du droit international, fête son 70ème anniversaire, assombri par la montée des nationalismes et les assauts lancés contre les institutions multilatérales.
Alors que les Nations unies commémorent lundi l'adoption de ce texte novateur, ses objectifs se heurtent à une résistance sans précédent.
La Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a averti cette semaine que le système mondial "qui avait donné corps à la vision de la Déclaration universelle est érodé petit à petit par les gouvernements et les responsables politiques qui se consacrent de plus en plus à des objectifs nationalistes étroits".
Certains experts pensent toutefois que, même si le mouvement international pour les droits de l'homme né après la Deuxième guerre mondiale est menacé, cette commémoration pourrait fournir l'occasion à la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) de réaffirmer son utilité.
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits
Inspirée par la déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la déclaration d'indépendance américaine de 1776, la DUDH a pour première origine le traumatisme engendré par la Seconde Guerre mondiale et le génocide des juifs par les Nazis.
"Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits", proclame le premier article de la déclaration, qui en trente points énumère des droits humains, civils, économiques, sociaux et culturels, "inaliénables" et "indivisibles ».
Elaborée dans un climat de début de Guerre froide, la DUDH fut adoptée le 10 décembre 1948 à Paris par les 58 Etats alors membres de l'Assemblée générale de l'ONU à l'exception de l'URSS, des pays d'Europe orientale, de l'Arabie saoudite et de l'Afrique du Sud qui s'abstinrent. L'URSS et ses satellites insistaient notamment sur les "droits réels", économiques et sociaux, contre les "droits bourgeois" civils et culturels défendus par les démocraties occidentales.
Ces dernières, de leur côté, résistaient à l'idée de traduire la déclaration en instrument juridique contraignant, craignant qu'il ne fût utilisé contre elles par les pays colonisés. De fait, ce n'est qu'en 1966 que furent adoptés par l'ONU deux pactes contraignants qui constituent, avec la DUDH, la charte des droits de l'Homme de l’ONU.
Elle a été écrite pour les moments où l'attirance pour le nationalisme et le populisme se développe
Le texte de 1948 reste, selon le mot du juriste français René Cassin, qui participa à son élaboration, "le premier manifeste que l'humanité organisée ait jamais adopté".
Sans valeur contraignante, la DUDH a inspiré tous les traités internationaux de l'après-guerre, et est généralement reconnue comme le fondement du droit international relatif aux droits de l'homme.
Les conventions internationales de 1979 contre la discrimination envers les femmes, de 1984 contre la torture, de 1990 sur les droits de l'enfant, la création de la Cour Pénale internationale (CPI) en 1998 découlent directement de la DUDH.
Les conventions internationales de 1979 contre la discrimination envers les femmes, de 1984 contre la torture, de 1990 sur les droits de l'enfant, la création de la Cour Pénale internationale (CPI) en 1998 découlent directement de la DUDH.
Le texte visait à corriger la notion séculaire voulant que les droits soient octroyés aux citoyens par les Etats. Il répondait à l'argument des accusés nazis à Nuremberg selon lequel les responsables d'un Etat souverain agissant pour ce qu'ils considèrent comme l'intérêt national ne peuvent être tenus responsable de "crimes contre l'humanité" nouvellement conçus.
La DUDH cherche à établir les droits de chaque personne, qu'elle vive dans une république démocratique, une monarchie ou une dictature militaire. "Elle a été écrite pour un moment précis comme actuellement, lorsque l'attirance pour le nationalisme et le populisme se développe même dans des pays démocratiques, à nouveau", explique à l'AFP la spécialiste britannique Francesca Klug.
Les Américains ont quitté l'immeuble
Même si le texte voulait établir des valeurs transcendant les frontières, ce sont toujours "les Etats qui ont compté" pour sa mise en oeuvre, souligne Conor Gearty, professeur à la London School of Economics.
Selon lui, les Etats-Unis ont joué un rôle moteur durant la deuxième partie du XXe siècle mais le président Donald Trump, qui s'est attaqué au multilatéralisme et a claqué la porte du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, a mis fin à cette période.
"Les Etats-Unis ont abandonné tout rôle de défenseur des droits humains internationaux, même sur une base hypocrite", dit-il, estimant que l'arrivée au pouvoir de Trump a marqué le point culminant d'un mouvement de retrait entamé avec la "guerre contre le terrorisme" depuis le 11 septembre 2001.
"Les Américains ont quitté l'immeuble", observe-t-il. "Les droits de l'homme ont besoin d'un puissant patron international sous peine de se flétrir", ajoute-t-il en estimant que « l'Europe est le seul candidat crédible" pour succéder à Washington.
S'appliquer à tout nouveau dilemme
Pour sa part, Michelle Bachelet, ancienne présidente du Chili devenue en septembre la responsable des droits de l'homme à l'ONU, minimise l'idée que la DUDH avait besoin du soutien d'un super-pouvoir. Pour elle, le texte va perdurer car « ses préceptes sont tellement fondamentaux qu'ils peuvent s'appliquer à tout nouveau dilemme y compris le changement climatique et l'intelligence artificielle ».
La DUDH "a résisté aux épreuves durant les années qui ont passé", souligne Michelle Bachelet. "Elle est, je le crois fermement, aussi pertinente aujourd'hui qu'elle l'était lors de son adoption il y a 70 ans ».
INFO: RTVB
INFO: RTVB
Septuagénaire, la déclaration des droits de l'Homme est susceptible d’évoluer
Les droits fondamentaux peuvent être menacés "par un discours qui se crispe sur l'opposition entre ces droits et la souveraineté des États", explique Sylvie Sarolea, professeur de droit international à l'Université catholique de Louvain. "Or, les droits fondamentaux émanent de la souveraineté. Ils ont d'abord été consacrés dans des Constitutions nationales avant d'être régionalisés et internationalisés", note cette avocate spécialisée dans les droits de l'Homme. "Opposer droits de l'Homme et souveraineté des États est une hérésie à mon sens car l'État est auteur et acteur de ces droits.
"On risque de revenir en arrière dans cette période de crise identitaire, où on a l'impression que les acquis ont fragilisé l'État", craint Mme Sarolea. "Ce serait dommage, alors que les droits fondamentaux s'adaptent à la société."
Ceux-ci ont d'ailleurs évolué, avance la professeure de droit international. "On est parti d'un droit essentiellement négatif, par lequel on interdisait, à une vision plus positive et proactive. La perception verticale, portant uniquement sur la relation entre l'État et les personnes, s'est muée vers une vision plus horizontale. Enfin, des droits procéduraux sont apparus alors qu'à l'origine, c'était surtout un ensemble de droits matériels", explique-t-elle.
L'évolution est nécessaire, ne serait-ce que dans les termes utilisés: l'expression "droits humains" remporte de plus en plus de faveurs car "droits de l'Homme" ne renvoie qu'au genre masculin, excluant les femmes, enfants "mais aussi transgenres, intersexes... » rappelle Pierre-Arnaud Perrouty, directeur de la Ligue pour les DH.
extrait La Libre.be
extrait La Libre.be
À PROPOS DU PACTE MIGRATOIRE
Invitée de matin première Olivia Venet, présidente de la Ligue des droits de l'homme signale:
"il est important qu'on ait fait le choix de soutenir ce pacte migratoire. Je pense que c'était essentiel. En tant que présidente de la Ligue des droits humains, j'aurais voulu soutenir quelque chose de plus ambitieux, et c'est donc un minimum de soutenir ce pacte migratoire. Bien sûr qu'on soutient, bien sûr qu'on est content que la Belgique y aille et se range du côté du multilatéralisme, et pas du côté des pays qui vont vers l'exclusion et qui vont dans l'autre sens, mais c'est un minimum de soutenir ce pacte aujourd'hui. J'aurais voulu soutenir quelque chose de plus ambitieux".
Le fait que le sommet de Marrakech ait lieu aujourd'hui, le jour de l'anniversaire des 70 ans de cette Déclaration des droits de l'homme, n'est pas du tout anodin: "Il faut se rappeler dans quel contexte cette Déclaration a été adoptée: juste après la Deuxième Guerre mondiale, à un moment où tant de gens ont été jetés sur les routes de la migration et ont dû se déplacer pour des questions d'asile et de protection parce qu'ils étaient persécutés. Il y a deux articles qui ont trait à ça dans la Déclaration et il faut la relire aujourd'hui. Elle a 70 ans, mais elle reste complètement d'actualité. Ces droits restent vivants, restent aujourd'hui à devoir être appliqués. Deux droits qui ont trait à l'asile, c'est évidemment ça la leçon de la Deuxième Guerre mondiale, et je trouve ça incroyable qu'on n'arrive pas à s'en souvenir, qu'on ait la mémoire si courte. 70 ans, c'est un certain temps, mais ce n'est pas si âgé que ça non plus. Je trouve qu'il faut pouvoir s'en souvenir aujourd'hui".
Olivia venet s'est aussi félicitée de la fin des "quotas" de demandeurs d'asile, décrétée par Maggie De Block, qui prend le portefeuille de l'asile et des migrations: "Nous avions introduit un recours au Conseil d'État contre cette décision de limiter, qui nous paraissait tout à fait illégale. Donc, si ces quotas sont supprimés, je pense que ce sera déjà une bonne chose et que ça ramènera un peu de paix."
Elle refuse par compte de prendre une position politique sur qui est un partenaire plus acceptable ou moins acceptable: "On verra les décisions qu'elle prendra, mais en soi, on est toujours ouvert à la Ligue à n'importe quelle discussion. Pour autant, on se base sur les décisions, on essaie de ne pas s'attacher à quel parti prend quelle décision, mais plutôt sur la manière dont les décisions sont prises".
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