Vie, liberté, bonheur:
un portrait amoureux de Thomas Jefferson
LIVRES - BD
Il suffit de jeter un coup d’œil au rayon "Histoire" ou "Biographies" d’une librairie aux Etats-Unis pour immédiatement constater la popularité que conserve le troisième président du pays, Thomas Jefferson, pourtant disparu il y aura bientôt deux cents ans, le 4 juillet 1826 - le jour de la fête nationale américaine et un demi-siècle exactement après la proclamation de cette Déclaration d’indépendance dont il fut un des principaux rédacteurs. Une popularité qui se mesure aussi à la vénération dont fait l’objet sa résidence à Monticello, en Virginie, avec laquelle seul peut rivaliser Mount Vernon, où vécut George Washington.
Ancien diplomate belge en poste aux Etats-Unis, devenu romancier et éditeur à Bruxelles, André Querton est sans surprise "tombé en amitié" avec celui qui fut successivement gouverneur de la Virginie, ministre plénipotentiaire à Paris (il succéda à Benjamin Franklin et fut le témoin de la prise de la Bastille), secrétaire d’Etat, vice-président (sous John Adams), puis président des Etats-Unis (de 1801 à 1809). Parce que Jefferson "aimait les livres, l’amitié et la conversation, les maisons et les enfants, les jardins et les vastes paysages ouverts, le vin, les voyages, les grands projets et les rêveries fécondes, mais aussi la politique, la diplomatie, les allées du pouvoir, les grilles effilées d’or des chancelleries…"
Aussi est-ce un "portrait amoureux" que l’auteur entend brosser. Amour exprimé d’abord dans la présentation soignée du livre, qu’André Querton n’a pas voulu "encombrer de références précises et académiques" pour la même raison qu’un peintre n’indique pas "les mensurations de ses modèles" (ceux qui trouveront le procédé trop léger se reporteront à des biographies plus conventionnelles et en particulier à celle, en anglais, de Jon Meacham, "Thomas Jefferson : The Art of Power", chez Random House). Amour exprimé ensuite dans le texte, qui a le souffle d’une véritable œuvre littéraire.
Thomas Jefferson, souligne l’auteur, ne fut jamais insatisfait ou impatient, mais toujours insatiable. C’est pourquoi l’existence de ce "père fondateur" des Etats-Unis d’Amérique déborde d’action et de réflexion - et d’autant plus qu’elle s’étira sur quatre-vingt-trois ans. Sa rivalité avec Alexander Hamilton, le secrétaire au Trésor, est devenue légendaire, tout comme son attitude ambiguë à l’égard de l’esclavage (qu’il réprouvait, mais ne combattit pas) continue d’alimenter la polémique. Artisan du rachat de la Louisiane à Napoléon, il fut aussi le fondateur de l’université de Virginie.
André Querton nous parle de tout cela, joignant à l’analyse son sentiment personnel. Il nous introduit aussi dans les "familles souterraines" de l’homme d’Etat. Mais il entend surtout nous faire aimer un homme dont l’idéal tenait en trois mots : "vie, liberté et bonheur" - trois piliers aussi de la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis. Et en ces temps où la démocratie américaine semble enrayée au point d’ouvrir peut-être les portes de la Maison-Blanche à un clown inepte, vulgaire et dangereux, on ne peut que se replonger avec une vive nostalgie deux siècles en arrière, époque où les grands hommes se côtoyaient à Philadelphie. Un lot exceptionnel que dominait Thomas Jefferson.
---> André Querton, "Thomas Jefferson. Vie, liberté et bonheur", Bruxelles, Le Pavillon, 2016, 201 p.
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