Est-ce qu’on se souviendra qu’on a géré une crise sanitaire majeure en Belgique sans gouvernement de plein exercice ? S’il y a un aspect positif aux crises, c’est qu’elles nous rappellent le rôle premier du politique. Ce ne sont pas les intérêts partisans. Ce ne sont pas les jeux de pouvoirs. Ce n’est pas la compétition électorale. L’intérêt premier du politique est de gérer la cité, pour le bien de chaque citoyenne et citoyen. Le politique, c’est la recherche du bien commun. Le politique, c’est le sens des responsabilités. 
   Le politique, c’est gérer chaque jour, du plus simple au plus extrême, en faisant tout ce qui est en son pouvoir pour faire le mieux possible. Les crises rappellent l’essence du politique, même dans un pays aussi divisé que la Belgique. C’est pour cela qu’il serait faux de penser qu’il n’existe plus de Belgique : elle vit à travers chacun et chacune, hommes et femmes, jeunes et vieux, flamands et francophones, dans les villes et les campagnes, etc. Les rouages de l’État belge sont certes complexes et ils démontreront probablement certaines limites. Au-delà de la crise, ce sera un appel à l’évaluation et à la réinvention. 
  Est-ce qu’on se souviendra des millions de personnes déplacées dans le monde, qui vivent dans des camps et de leur extrême détresse ? Face à l’incertitude, le repli sur soi est la première des réactions. Se figer. Évaluer ses options. Fuir. Cependant, le politique a pour vocation de dépasser les instincts primaires des êtres humaines grâce à la communauté qu’il incarne. Le tout est plus que la somme des parties. Le politique incarne des valeurs qui doivent perdurer, par tous temps, aussi et peut-être avant tout dans l’adversité. Pour cela, le politique, c’est bien plus que l’État. Le politique, c’est aussi le monde que l’on veut construire. La cité a des géométries variables. Au cœur de l’action politique se trouvent les plus démunis, les plus faibles, les plus fragiles. Ce sont ces personnes qui ont le plus besoin du politique. La détresse n’a pas de frontières. C’est pour cela que toute action politique devra aussi être évaluée à l’aune des principes qui nous définissent, avec en ligne de mire la solidarité – quelle que soit son échelle. 
  Est-ce qu’on aura compris à quel point notre mode de vie et tout simplement notre vie sont dépendants de notre milieu ? La situation actuelle et la propagation de ce virus démontrent que les frontières ne sont que des constructions humaines. C’est la démonstration que les menaces à notre milieu ne s’arrêtent pas aux frontières. Aujourd’hui, c’est la maladie. Nous sommes des êtres mortels et le virus nous renvoie à cette finitude. Notre milieu, c’est la Terre, qui est vulnérable à toutes sortes d’attaques. Il est certain que nos enfants nous jugeront ; c’est eux qui hériteront de notre planète. Le politique a pour vocation de gérer la communauté, sa construction mais aussi son héritage – bien au-delà de la génération de ses dirigeants, pour nos enfants. 
  Il faut être lucide : tous les aspects de cette crise risquent un jour de se conjuguer. Ce ne sera pas non plus la dernière que nous affronterons. Cependant, ce qui compte aujourd’hui plus que jamais, est la manière dont nous l’affrontons et l’histoire que nous créons au quotidien. 
  Plus que jamais, il ne faut pas oublier que le politique c’est eux, c’est vous mais c’est surtout nous. Ce ne sont pas seulement les dirigeants qui s’expriment sur les estrades, ce sont tous les citoyens et citoyennes. Derrière toute action politique et publique, il y a chacun d’entre nous, qu’ils soient en première ou en dernière ligne. Ce n’est qu’en tant que communauté politique, engagée, responsable et solidaire, que nous pourrons un jour répondre au regard interloqué de nos enfants lorsqu’ils nous demanderont pourquoi en 2020 le monde a semblé s’arrêter de tourner. En réalité, il tourne encore, mais c’est à nous de le faire tourner plus rond. 
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